7. Vengeance (Manu)
"Il faut qu'on parle, dit Seb en jetant une pochette au milieu de la table.
Voilà deux semaines que nous avions vu Gaëtan pour la dernière fois. Et comme la lumière déclinant au fil des journées de l’hivers, nos esprits faisaient de même.
Nous nous entraînions avec moins d’entrain, souvent chacun de notre côté.
Kevin, très affecté, se donnait corps et âme à l'entraînement, oubliant tout et se coupant de tout. Pour cette réunion chez moi, nous avions du envoyer Angel le chercher. Quand il l’eut trouvé en pleine forêt, ce fut au beau milieu d’un champs de désolation. Il avait tout détruit autour de lui, il suait et saignait de partout.
C’était sa manière à lui de pleurer.
Nicolas semblait avoir des difficultés avec son pouvoir. Plus son moral déclinait, plus l’atmosphère gelait autour de lui.
Pour Sebastien, certains objets prenaient feu sans raison autour de lui dans les premiers jours, mais il semblait avoir retrouvé un minimum de contrôle.
Angel disparaissait de plus en plus souvent. Il soutenait que flotter à travers les ténèbres l’apaisait.
Quand à moi… Un simple regard dehors pour voir les fortes bourrasques de vent suffisait à faire comprendre que je n’étais pas mieux lotis que mes camarades.
- C’est pour quoi cette fois ? dit Kevin d’une voix lasse en sortant de ma salle de bain où je l’avais envoyé pour se décrasser un peu.
- Les gars, cette situation ne peut plus durer, fit Sebastien d’une voix forte. Nous devons reprendre le contrôle. C’est pourquoi j’ai fait des recherches et j’aurais voulu discuter de deux points essentiels. Le premier concerne Gaëtan…
- Est-ce vraiment nécessaire ? demanda Nicolas. Il nous en veut, c’est clair, et essayer de lui parler ne sert à rien pour l’instant…
- Et tu proposes quoi ? Que l’on attende que cela passe ? Tu crois qu'il reviendra de lui même avec un sourire aux lèvres et qu'on fera comme si rien ne s’était passé ? De toute manière, il est injoignable. Et en plus, il nous a apparemment menti sur la nature de ses pouvoirs, il faut le considérer comme une menace potentielle…
- Qu'est-ce que tu nous chantes ? dis-je, légèrement agacé par la tournure que prenait la conversation. C’est nous qui ne lui avons pas fait confiance à la base, et une personne en est morte !
- Justement, non…
Lentement, il ouvrit sa pochette et en sorti plusieurs articles de journaux imprimés, qu'il étala sur la table pour que tout le monde puisse les voir.
- Voila ce que j’ai découvert en farfouillant un peu. Le premier article parle de la torture qu'on subit les quatre individus retrouvés il y a pas longtemps. L’enquête a déterminé que deux d’entre eux étaient les agresseurs de ce fameux soir, et les deux autres étaient leurs mères respectives. Tous torturés et mutilés.
- On a déjà parlé de cela. C’est un pur hasard, Gaëtan avait un alibi en béton, et je vous donne ma parole que je ne l’ai pas aidé, répondit Angel.
- Rien à foutre! Je te signale que nous ne sommes plus vraiment concerné par cela. Je pourrai foutre le feu à la ville entière sans que l’on puisse prouver que c’est moi! Non, je reste persuadé que Gaëtan a peut être quelque chose à voir là dedans. Si il n’y avait eu que ces meurtres là, je ne dirais rien, mais ce sont les autres qui m’ont mis la puce à l’oreille.
Il montra du doigts un deuxième article.
- Peu de temps après, le corps d'un prêtre a été retrouvé dans son église horriblement mutilé. Des photos laissées sur place permettent, sans l’ombre d’un doute, d'affirmer que c’était un pédophile qui avait abusé de nombreux enfants. Le seul témoin dans l’affaire est un garçon de dix ans en état de choc qui parle de voix dans les ténèbres et de portes qui s’ouvrent et se ferment toutes seules.
Il pointa un autre article.
- Là, un homme qui était soupçonné depuis longtemps d’enlèvements, de meurtre et de trafic d’organes, a été retrouvé sans vie avec toutes les preuves à côté de son corps mutilés. Pas de trace, pas de témoin, mais même mode opératoire.
Et j’ai encore une dizaine d’articles qui présentent tous les même choses. Les journaux parlent d’un « boucher », moi je vois un homme plein de haine, un vengeur.
- Ça pourrait être l’œuvre d’un Sombre Roi ? proposa Kevin.
- Qui s’attaquerait uniquement à ce que l’espèce humaine a de pire ? Tu y crois toi ?
Un silence s'abattit sur notre groupe. Penser que Gaëtan irait jusque là ne tenait pas la route. Pourtant…
- Pourquoi ferait-il cela ? demandai-je
- La folie, la haine. Peut être son pouvoir, quel qu’il soit, a prit le dessus sur lui ? Peut être que se séparer de son esprit servant a réveillé un truc en lui ? Peut être que ça a un rapport avec le fonctionnement de son pouvoir ? J’ai fait une recherche plus poussé, et voilà ce que j’ai trouvé.
Il sortit une dernière feuille de sa pochette, et nous la présenta.
- L’article date de la veille de notre affrontement contre les quatre cavaliers. Apparemment, un homme ce serait introduit dans l’hôpital de la ville, et aurait foutu une trouille de tous les diables aux patients dans le service d’oncologie. Ils parlent tous d’un homme en noir qui se présentait comme étant la Mort, d’objets qui volent et autre fariboles qui ont poussé les flics à classer rapidement l’affaire. Je crois que c’était Gaëtan. Je ne comprends toujours pas pourquoi, mais il semble que depuis le début, il nous cache son véritable pouvoir, et maintenant qu’il a perdu pied, il semble s’être laissé aller à la violence.
- Mettons que ce soit lui, le « boucher ». Mettons qu’il ai fait tout ça. Que veux-tu qu'on y fasse ? Il s’en prends a des personnes qui ont toutes méritées la mort après tout…
- Les mères des deux agresseurs n’avaient rien fait, et les patient du service d’oncologie non plus, certains sont d’ailleurs en psychiatrie maintenant. Ils ont peur de leurs ombres! Même si je prie pour que je me trompe, je crois que Gaëtan a vraiment tourné mal. Je crois qu’il cherche vengeance, et c’est là que j’arrive a mon deuxième point. Je pense savoir comment l’aider.
- Comment ? Demanda Angel.
- Nous allons lui livrer vengeance. Nous allons l’aider dans sa quête. Nous lui donnerons la tête d’Asmodée. Je sais où elle se cache. »