12. Qui aurait pu prévoir? (Sebastien)
Quand j’y repense, nous n’étions pas pas prêt.
Recevoir ces pouvoirs, assumer les responsabilitées et les conséquences, encaisser et avancer. Rien n’aurait pu nous y préparer. Nous étions trop jeunes, trop naïf, pour pouvoir faire face à la violence qui s’était déchaînée dans notre quotidien, usant nos nerfs et notre mental, asséchant jusqu'à l’ultime goutte de notre moral.
Cette violence qui atteint son fatal paroxysme en ce funeste jour…
Nous avancions tous vers cette ange noire, pétri d’amour et de désir, de l’envie de connaître chaque recoin de Son corps parfait jusqu’à ce que la mort nous libère de cette cruelle passion. Tout oublier dans Ses bras. Tout recommencer à Ses côtés. Refaire le monde avec Elle. Vivre et périr pour Elle. Tuer selon Son désir.
Elle était, à ce moment précis, devenue le centre du monde. Elle était le remède du Mal à nos yeux. L’Innocence aurait le sens qu’Elle voudrait lui donner.
Elle était Asmodée. La terrible et belle pécheresse de la Luxure et du Vice, deux mots qui désignaient dès lors la Pureté. Ses mots étaient ceux de l’Évangile. Sa Volonté était sacré. Ses envies, des Commandements.
Juste un baiser pour sceller à jamais notre allégeance. C’était tout ce qu’Elle voulait. C’était tout ce que que nous voulions.
Nous avancions vers Elle, souriant à notre destin, mains tendues, prêt à tout abandonner si tel était Son souhait. Mon esprit servant hurlait dans ma tête des mots que je ne comprenais pas, qui ne m’atteignaient pas. Je la voulais.
Soudain, alors que Kevin était sur le point de connaître l’immense chance d’être le premier à la toucher, une harpie traversa a toute vitesse le Temple pour s’écraser au pied de l’autel sur lequel Elle se tenait, éclatant la pierre et souillant de son sang la divinité.
Et rompant le charme.
Comme si nous venions à peine de nous éveiller d’un cauchemar, nous regardâmes, d’abord sans comprendre, ce qu'il se passait sous nos yeux. Le visage de notre ange se mua en celui qui avait toujours était sien, celui d’un démon. Son regard, devenu meurtrier, porta son attention vers un point derrière nous. Un rictus mauvais déforma son sourire angélique.
Lentement, je me retournai, pour voir apparaître, dans l’encadrement de la porte, Gaëtan, entièrement habillé du rouge sang des dizaines de harpies qu'il avait massacré. A ses côtés, le Loup, tenant encore dans sa gueule l’aile qu'il avait du arraché à l’un des volatiles.
Ils avançaient sans se presser, sans la quitter du regard. Les yeux de notre ami, devenues noir de jais, flamboyaient de haine. Son corps entier semblait vibrer d’une aura de violence sanguinaire. Devant lui, nous reculâmes pour ouvrir le passage vers l’autel. Nous étions tous groggy, incapables de faire autre chose que d’assister, impuissant et silencieusement, à la scène qui se déroulait devant nous.
Il n’y avait plus que lui faisant face à Asmodée. Deux démons sur le point d’engager un combat mortel et ravageur. Deux âmes damnées se faisant face, prêtent à déchaîner leur fureur l’une sur l’autre.
Qui aurait pu prévoir qu’une Ombre s’élèverait entre ces deux éléments incontrôlables ? Qui aurait pu prévoir qu’une tragédie d’une telle ampleur allait se dérouler ?