3. Du grand Art (Ackerman)
« Gaëtan, où étais tu hier soir ?
Il me regarda avec un sourire… malsain. L’éclat dans ses yeux était carrément terrifiant. D’après le medecin, il s’était réveillé ce matin totalement remis. Comme si rien ne s’était passé.
- A votre avis ?
Mon avis ? Je m’étais déjà renseigné, personne ne l’avait vu quitter l’hopital. Les caméras dans les couloirs et a l’extérieur n’avaient rien filmées. Mon avis était qu’il était resté dans sa chambre. Mon instinct, lui, me hurlait le contraire.
Je décidai de tenter de le destabiliser.
- Sais-tu pourquoi je te pose cette question ?
Aucune réponse de sa part. Juste son regard amusé. Le regard d’un fou.
- Nous avons retrouvé quatre corps horriblement mutilés ce matin, dans un fossé au bord d’une départementale. Deux jeunes garçons et leurs mères respectives. Les premiers résultats montrent qu’ils ont été torturé, tous les quatres, mais sais tu le plus interessant dans tout cela ? C’est qu’en faisant des recherches dans notre base de données avec leurs empreintes, nous avons put établir une similitude entre celles des deux garçons et celles retrouvées dans ton appartement. Les reconnais-tu ?
Je lui tendis deux photographies représentant chacunes les garçons. Nous les avions prises en début d’après midi à leurs domiciles, une fois leurs identités vérifiée et leurs familles prévenues.
Il ne les regarda même pas. Sans me quitter des yeux, son sourire s’élargit.
- Jamais vu, dit-il.
Il se moquait clairement de moi.
- Nous avons fait analyser leur ADN, nous aurons les résultats d’ici quelques jours. Mais tout laisse à penser que ce sont eux les auteurs du crime qui a coûté la vie à ta petite-amie.
- Ah bon ?
Il riait presque. Tout dans son attitude, ses geste, et son regard, me disait ce que je ne pouvais croire. Dans un murmure, presque un souffle, je lui posai la seule question qui hantait mon esprit.
- C’est toi qui les as tué ?
Bien sur, pensai-je aussitôt. Mais comment s’y était-il pris. Et pourquoi s’en prendre aux mères dans la foulée ?
Avant qu’il ne me réponde, un homme fit irruption dans la chambre. Il devait être du même âge que le garçon. Il portait des lunettes, et était habillé d’un costume noir plutôt chic.
- Je vous prie de nous excuser monsieur, dit mon collègue en lui barrant le passage, mais nous sommes en pleine conversation. Si vous pouviez patienter dehors, le temps qu’on finisse…
- Je vous présente Aurélien, fit Gaëtan. Un ami d’enfance, et un excellent avocat. Aurélien, voici les lieutenants de la police judiciaire Ackerman et Guytain.
Mon collègue me lança un regard perdu, auquel je ne pus que répondre par la surprise.
- Sauf erreur de ma part, dit le nouveau venu d’une voix calme et posée, si Gaëtan juge que je n’ai pas à être ici, c’est à lui de me le faire savoir. A moins qu’il ne soit suspect dans une affaire quelconque, et que ceci soit par conséquent un interrogatoire. Si c’est le cas, vous pouvez alors considérer que je suis son avocat, ce qui rend donc ma présence obligatoire, si il en fait la demande. Gaëtan ?
- J’ai l’impression que la deuxieme option est la bonne Aurelien. On vient de me demander si j’avais commis un meurtre, dit l’interessé en riant.
- Dans ce cas, mes lieutenants, je vous prie de ne poser aucune questions à mon client en dehors de ma présence. Je ne sais pas encore ce qui a été dit, mais je tiens à mettre en avant le fait que mon client vient de vivre une terrible épreuve, et qu’il n’est donc pas en état de répondre de façon cohérente à vos questions. J’insiste donc pour que tout ce qui a été formulé avant mon arrivé ne soit pas retenu. Si vous le voulez bien, je voudrai maintenant que l’on me dise ce que l’on reproche exactement à mon client, ainsi que les preuves que vous avez concernant sa culpabilité.
- Je, heu, bafouillai-je complétement déstabilisé. Non. Je lui posai juste la question. C’est la procédure dans une affaire de meurtre quand nous avons établi un lien important entre la ou les victimes et une tiers personne qui aurait un excellent mobile. Des corps ont été retrouvés ce matin, tués dans la nuit, et ils sembleraient que deux d’entre eux soient potentiellement les coupables du meurtre barbare de la compagne de votre, heu, client. Nous cherchions juste des éclaircissements.
- Je ne sais pas si vous l’aviez remarqué, lientenant, mais mon client est hospitalisé. Je suppose que vous avez de solides preuves pour vous permettre de poser une telle question à un homme qui a déjà beaucoup souffert. Les caméras que j’ai vu installé dans ce charmant hôpital ont donc montré mon client en train de jouer les filles de l’air la nuit dernière ?
- Non, pas tout a fait, mais…
- Vous vous basez donc sur de simples suppositions. Ce qui est inadmissible ! Je vous prie de cesser sur le champs d’importuner monsieur, et de sortir. Si vous revenez l’interroger sur cette affaire sans preuves tangibles, nous vous poursuivrons pour harcèlement. Suis-je clair ?
- Je, heu…
- Au revoir, messieurs, dit-il en ouvrant la porte.
Je lançai un dernier regard vers Gaëtan. Il jubilait. Puis, honteux, je sorti à la suite de mon collègue.
Avant que la porte ne se referme, j’entendis Gaëtan dire :
- Tu es vraiment trop fort, Aurelien. Du grand art. C’est presque magique.
Au fond de moi, je sentai que jamais cette affaire ne serait résolue…